Réflexion sur la relation entre maitre de l’ouvrage et architecte
‘‘il y a pire que de ne pas avoir d'idée, c'est d'en concrétiser une mauvaise’’.
Concernant la gestion financière d'un projet architectural, une sélection basée sur une supposée économie sur le temps et les honoraires de conception est en réalité totalement contre-productive. Le choix du moins disant au détriment de la partie études coûtera au final très cher au Maître de l'Ouvrage, car mal ou pas conseillé par des professionnels qui auraient fait la différence entre 10% d'honoraires et 90% de la masse des travaux, une économie de 50% sur les honoraires ne représente que 0,05% du coût du projet, l’économie doit être faite sur la masse des travaux par une Maîtrise d'Œuvre correctement rémunérée car le travail d'optimisation est consommateur de temps de recherche de variantes, de matériaux plus globalement de solution économique sans porter atteinte à la qualité architecturale.
D'autre-part, la création d'instance compétente de conseil et de contrôle de la qualité architecturale et urbaine au niveau local agissant avant la délivrance des autorisations de bâtir, puis pendant et après la réalisation, serait un moyen d'éviter les constructions anarchiques, la surenchère explosive de formes et de matériaux sans rapport avec les conditions locales qu'elles soient historiques, climatiques, esthétiques, ...
Le dossier de permis de construire devrait ainsi comporter un volet permettant le contrôle -par une entité spécialement formée- de l'insertion paysagère des constructions neuves pour éviter les atteintes aux vues et perspectives urbaines ou paysagères à protéger et valoriser, plus particulièrement aux seins des tissus anciens, aux abords des édifices à caractère patrimonial ou des sites naturels à protéger.
Prendre le temps -c'est ce qui manque le plus- pour bien rédiger les cahiers des charges et les règlements des concours d'architecture afin qu’ils ne privilégient pas la quantité mais la qualité (les questions habituelles étant :combien de projets avez-vous réalisés et de quelles catégories, combien de véhicules, de photocopieuses possédez-vous, etc.) il est temps de comprendre que ce qui doit être recherché c'est d'abord la bonne idée, le bon concept cohérent fonctionnel et qui a un sens dans le site; pour cela, il faudra forcément s’ouvrir plus aux jeunes créateurs qui ont une énergie créatrice débordante puis composer un jury de bon niveau pour faire le bon choix. Un bon jury choisira forcément une bonne conception.
Dans la phase actuelle, il est trop fréquent de rencontrer des maîtres de l'ouvrage inquiets et déconcertés face à des constructions qu'ils ne peuvent s'approprier et qui se révèlent à leurs yeux (à des stades plus ou moins avancés) comme inadaptées à leurs besoins réels.
En intervenant sur ces constructions inachevées au secours des Maitres de l’Ouvrage, les architectes devraient accepter le rôle du pompier pour rattraper les erreurs et aller vers une architecture plus adaptée aux besoins des usagers et aux particularités de l'environnement bâti ou naturel propre à chaque site.
La difficulté d'une telle tâche est évidente, car il faut s'adapter à une structure existante et réadapter le cloisonnement, les ouvertures, l'organisation globale en limitant les démolitions à ce qui est essentiel à un meilleur confort. Cet exercice empli de contraintes et difficultés, de gaspillage financiers dus à de mauvais choix initiaux, devrait pouvoir être évité en donnant le temps et les moyens nécessaires aux études de conception.
Car il y a un déficit de « pompiers » pour rattraper les erreurs des pyromanes, nous brûlons nos villes par nous-même… jusqu’à quand ?
En architecture une parole non suivie d'acte aura peu ou pas d’impact, alors agissons tous ensemble dans la même direction, car fuir la réalité pour inventer je ne sais quel concept ou idée farfelue et dépenser une énergie colossale pour aboutir à rien ou à de nouveaux problèmes déroute notre jeunesse en quête de repère ; dans ce cas il vaut mieux ne pas avoir d'idée, car il y a pire que de ne pas avoir d'idée, c'est d'en concrétiser une mauvaise.
Lounes Messaoudi, Architecte
Avril 2019