Interview - La phase d’études, une étape cruciale dans la réalisation des projets immobiliers

Interview pour la revue IFIDard - N°5/2ème semestre 2020
Revue de l’association des diplômés de l’IDFID

Dans une interview pour la revue IFIDard, dans le cadre d’un numéro sous le thème du “secteur bancaire face aux répercussions et aux défis de la crise du Covid-19”, Lounès Messaoudi, concepteur du siège de la banque HSBC Bab Ezzouar, aborde l’importance de la phase d’études dans la réalisation des projets immobiliers.

Revue IFIDard : Selon vous, quelle importance accorder aux études ?

Lounes MESSAOUDI : C'est l'étape la plus importante et essentielle du projet, la première étape est celle de la programmation, de la définition précise des besoins de l'entreprise exprimés dans le "Brief" : document qui donne une image et une analyse actuelle et future de l’organisation des espaces de travail de l’entreprise. L’élaboration de ce document est une prestation que devrait prendre en charge l'architecte concepteur qui devra être à même de s'imprégner de la vie dans l'entreprise et des attentes des salariés et des managers afi n d’améliorer l'environnement de travail.

Le temps des études devra être suffisant permettant que chaque détail soit étudié, ce qui permettra à l'entreprise de chiffrer au plus juste et au maître de l'ouvrage de passer un marché au forfait, évitant ainsi les avenants en cours de travaux. Les mésaventures causées par le manque d'études sont souvent la cause des dépassements de budget et même de l'arrêt de certains projets ; les exemples sont visibles dans notre premier quartier d’affaires de Bab Ezzouar.

Tous les matériaux de revêtement et les solutions techniques devront être choisis en adéquation avec le site, le programme et le budget du maître de l'ouvrage. Le temps des études devra permettre de réaliser des maquettes, des simulations et des visites en réalité virtuelle, avant toute validation de phase. Comme nous le disons souvent, il est plus simple de modifier un projet dans sa phase de conception que dans la phase de réalisation et surtout cela coûte nettement moins cher. Plus les études seront détaillées et validées plus la phase de réalisation sera maîtrisée et inversement, toute précipitation dans la phase d’étude du projet pourra mettra en péril sa réussite.

Revue IFIDard : Que pensez-vous du confort des bâtiments de bureaux en Algérie?

Le climat méditerranéen dont bénéficie le Nord de l’Algérie mérite des conceptions de bureaux qui y sont adaptées. Nous ne sommes pas en Europe du nord avec un manque de lumière qui conduit à avoir des façades entièrement vitrées, mais nous jouissons d’une luminosité naturelle importante que la conception doit prendre en compte pour procurer un confort visuel et des ambiances visuelles et thermiques agréables et modulables.

Alger n’est pas non plus située dans le sud du pays avec des températures extrêmes; de ce fait, le recours systématique à des façades totalement vitrées et à des immeubles totalement fermés et soumis à une régulation de température exclusivement mécanique, par mimétisme avec les immeubles de bureaux en Europe, est une erreur. Les lieux de travail doivent recevoir une juste quantité de lumière naturelle et maîtriser l’ensoleillement, une isolation correcte des murs extérieurs couplée à une ventilation naturelle permettant d’atteindre le confort visuel, thermique et d'usage recherché.

Nous constatons la réalisation d’immeubles de bureaux aux façades vitrées sans aucune préoccupation de l'exposition de cette façade. Les exemples d’orientation de façade à l’ouest ou au sud (sans protections extérieures) sont malheureusement fréquents, leurs espaces intérieurs sont soumis à l’effet de serre et rendus dépendants de techniques de refroidissement énergivores, avec des coûts de fonctionnement élevés.

Concevoir des bâtiments de bureau sans recourir systématiquement à la climatisation est aujourd'hui possible, même chez nous, en adoptant des stratégies de conception qui limitent les besoins de refroidissement et exploitent les atouts naturels du climat local.

Revue IFIDard : Quels enseignements tirez-vous de l’épidémie de coronavirus ?

Cette épidémie a montré les limites du confort d'usage dans les bâtiments de bureaux mais également de logement. Les espaces de bureaux sont souvent des lieux confinés où la circulation naturelle de l’air entre l’extérieur et l’intérieur est bannie. Les méfaits de la climatisation ont aussi été démontrés. De nouvelles conceptions doivent en tenir compte dans le futur pour permettre un usage sûr et confortable en toute circonstance. Les espaces de bureaux sont avant tout des espaces de vie ou les salariés doivent se sentir bien pour bien travailler.

Il est anormal de concevoir des espaces de bureaux où tous les espaces se ressemblent à l’intérieur, et vu de l'extérieur tout le monde est comme dans un aquarium en verre.

Par sa conception l'atmosphère du travail doit refléter la sérénité, offrir des lieux d'échanges en accordant une place importante au traitement acoustique et visuel des parois.