Article sur les villages Kabyle publié par BTPH n°36 2014

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L’Empreinte de l’architecture

Comme dit l’adage africain « pour savoir où vous allez regardez d’où vous venez », ceci s’applique bien à ce que nous sommes entrain de faire subir à nos villages (ou à ce qu’il en reste). A ce rythme, nous risquons bientôt d’effacer notre passé, comment expliquer la destruction par nous-même et dans l’indifférence de notre patrimoine.

Avec les moyens matériels réduits dont disposaient nos anciens, ils ont réussi à bâtir et créer une harmonie sur des sites naturels hostiles. Les maisons étaient disposées et imbriquées pour former un ensemble cohérent et intégré à son site. L’intimité de chacun y était préservée. Les chemins d’accès étaient revêtus de pierre (matériau de construction par excellence). La cour, centre de la maison ou des maisons appartenant à la même grande famille (partagée par plusieurs générations) était un espace de vie à part entière dans un climat méditerranéen.

La maison Kabyle par l’utilisation de la pierre locale pour la construction les murs et le revêtement du sol, la terre comme enduit intérieur, le bois pour la charpente et les peintures naturelles « thoumlilt » pour la décoration, était écologique. Aujourd’hui malheureusement, nos villages sont enlaidis par des constructions anarchiques et disproportionnées, celles-ci ont cassé l’équilibre sensible et fragile existant. Si rien n’est fait, nos villages disparaîtront sous nos yeux.

La participation de TOUS est indispensable : les pouvoirs publics et les associations d’abord, car il faudra convaincre. Convaincre qui ? De quoi ? Tout ne peut commencer que par la sensibilisation des habitants. Après avoir répertorié les villages ou groupes de maisons cohérents, aller à la rencontre des propriétaires pour expliquer que ce qui leur appartient, appartient à TOUS en réalité, car nous sommes TOUS concernés par notre histoire. L’architecte américain FL Wright a dit à sa cliente « votre maison vous appartient pour ce qu’elle vous a coûté, elle m’appartient pour ce qu’elle m’a coûté et elle appartient à l’humanité pour l’émotion qu’elle procure à autrui ». Faire que le visiteur que nous sommes retrouve l’empreinte de ce qu’ont fait nos anciens.

Alors que faut-il faire maintenant ?

Il est indispensable de doter la région d’un organisme de promotion et de sauvegarde chargé de promouvoir cette architecture pour mieux la conserver, obtenir son accord sur tous les nouveaux projets d’aménagement, de construction et de réhabilitation. Pour les nouveaux projets de construction : Faire appel à un architecte et être très exigeant envers lui dès l’étape de conception, il existe aujourd’hui tous les moyens pour visualiser la construction comme si elle était déjà finie au stade de l’étude. Ceci évitera au maçon de prendre des décisions hasardeuses sur le chantier. Tout ce qui n’est pas étudié de façon détaillée et adaptée à l’environnement posera des difficultés à l’utilisateur final.

L’architecture est l’ensemble des solutions simples à des problèmes complexes, plus les solutions sont simples, plus il y a de l’architecture et plus elles sont compliquées moins il y a d’architecture.

 Il faudrait d’abord conserver quelques principes constitutifs anciens tout en profitant des moyens offerts par la modernité:

- la préservation de l’intimité (pas de vue sur la cour du voisin),

- la cour (espace extérieur/intérieur de rencontre et de vie),

- la protection vis-à-vis de la chaleur et du froid (murs épais et petites ouvertures).

-la suppression des balcons sauf s’il n’y a aucun vis-à-vis, éclairer naturellement toute les pièces y compris les circulations.

Alors agissons pour sauver nos villages ou ce qu’il en reste…

Lounès Messaoudi Architecte dplg ensa Paris.

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